C’est dans la cours du lycée Thibaut de Champagne, installé dans l’ancien palais des Comtes de Champagne, que nous avons rencontré Ghislain Bray, 1er adjoint à la mairie de Provins et adjoint à la culture, au patrimoine et à la vie associative. Aux commandes des fêtes médiévales de Provins depuis 2014, l’élu a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions afin d’en savoir un peu plus sur la création des fêtes, leur organisation et toute la mécanique qui fait des médiévales de Provins un des plus grands rassemblements de France.
L’histoire commence en 1950, un noyau de fête médiévale voit le jour et perdure pendant 2 ou 3 ans mais « elle n’a pas été suffisamment bonne, nous n’avons pas voulu persister ». Ce n’est qu’une trentaine d’année plus tard, en 1984, sous le mandat d’Alain Peyrefitte que le projet est relancé. Ghislain Bray nous explique que « La Maison des Jeunes et de la Culture avait créé un spectacle son et lumière qui retraçait la vie au Moyen-Âge selon les saisons. Cela se passait dans les douves des remparts de Provins. Alain Peyrefitte à l’époque a dit « Non mais attendez on peut faire quelque chose de mieux ! » c’est-à-dire profiter d’un grand weekend festif et dire que l’on allait recréer le principe des foires de Champagne. ». Le projet de départ est déjà ambitieux. Un brin nostalgique, l’élu se remémore ces premières années
« Cela créait un lien entre la population, les élus, les commerçants et les quelques artisans qu’on avait, ce sont des journées et des soirées mémorables. Et en plus on était un peu précurseurs car on rentrait dans les cafés, on lançait de la paille partout, on rentrait les poules, les lapins, on les lâchait comme une taverne à l’époque du Moyen-Âge ! Et puis pour des raisons diverses et variées (politico-administratives). Alain Peyrefitte a décidé d’aller en milieu naturel, dans la ville haute, là où se trouvent 60 monuments classés ou inscrits ».
Le contour des médiévales que nous connaissons aujourd’hui est donc déjà dessiné dans les grandes lignes dans les années 80. Si à leurs début les festivités attirent environ 4 000 personnes, la fréquentation n’aura de cesse de croître année après année jusqu’à s’approcher de la barre symbolique des 100 000 visiteurs lors de l’édition 2018 …
Très objectivement, Ghislain Bray décrit les objectifs que s’était fixé la municipalité : « c’était avant tout une fête qui était organisée pour la vie associative et pour les commerçants. En se disant s’il y a des touristes, il y a des dépenses. Donc il faut savoir les recevoir, il faut savoir ce qu’on veut leur vendre comme produits. Et cela doit fonctionner. Et cela fonctionne très bien ! ». Au-delà de l’investissement financier, ce type de festivités nécessite un investissement humain très important. Pendant 5 à 6 mois, plusieurs personnes du service culturel planchent sur l’organisation de la fête puis à l’approche du weekend tant attendu, les services techniques déroulent câbles électriques et essaiment les enceintes un peu partout dans la cité, le service des cérémonies, de vérification des échoppes pendant 3 mois, « là j’ai 90 personnes depuis 8 jours qui ne font que cela. C’est énorme mais c’est sympa ! […] je suis heureux quand ça foisonne !». Parmi ces hommes et ces femmes, il nous faut rappeler le rôle majeur joué par Claude Monnoyeur, directeur des affaires culturelles à la mairie de Provins et chef d’orchestre de ces médiévales.
C’est donc toute une ville qui s’active pour faire de ces fêtes un grand moment d’échange et de partage. Si des milliers de fêtes médiévales existent en France, celle de Provins figure dans le haut du classement. Ghislain Bray nous dévoile quelques secrets, ou plutôt quelques règles que se sont fixés les équipes « Chacun considère que sa médiévale est la plus belle ! Nous on a fait la chasse aux parasols Kronenbourg, Coca-Cola, pendant des années. Des années pour garder au maximum l’authenticité. Moi ce que je souhaite et c’était le vœu aussi de l’ancien maire Christian Jacob, c’est qu’on fasse de l’accueil, qu’on fasse de cette fête une fête familiale et conviviale même si on devait lâcher un tout petit peu le côté historique. Parce que si on va dans l’historique pur, vous n’avez qu’une poignée d’artisans et de commerçants et vous avez une fête médiévale…moyenne. Ce n’est pas ça le but du jeu. L’essentiel c’est de recréer au maximum les villes de Foire du Moyen-Âge ». L’homme nous chuchote également le rôle qu’avait eu un média, qui au détour d’un article pleine page, avait titré en grand « Médiévales de Provins, première médiévales de France ». La place des festivités provinoises est clairement annoncée. La satisfaction se lit sur le visage rayonnant de Mr Bray même s’il déclare que toute cette histoire de classement « c’est n’est pas important… ».
Nous nous sommes ensuite intéressés à la place importante qu’occupe la programmation artistique lors des fêtes de Provins. À regarder ce programme, nos yeux pétillent à la vue de toutes ces compagnies venues de France ou de l’étranger, pour nous offrir de nombreuses représentations de cirque, de musique et de théâtre, le tout sur scène ou en déambulation. Retour en arrière sur cette programmation. A l’arrivée de Ghislain Bray en 2014, il lance un projet, « Un projet culturel. On a choisi le thème de l’année et on a envoyé à plusieurs, en disant « dites-nous, à travers ce thème là, ce que vous pouvez nous proposer ». Et de loin, de très loin d’ailleurs, Willy Vanhonnacker a déposé un projet avec des pôles d’activités comme Peur & croyances, La vie quotidienne etc. Moi ça m’a fait flash en pleine figure et on l’a toujours gardé ». L’adjoint ne cache pas sa volonté de relancer une consultation pour cette programmation : « si on ne rebooste pas, si on ne relance pas la mécanique, on commence par ronronner, à somnoler et quand on somnole c’est jamais bien ». Telles sont les difficiles règles qui s’imposent aux programmateurs, une remise en question quasi perpétuelle de leur projet. Et ces règles, aussi dures soient-elles, restent en partie dictées par les contraintes budgétaires des municipalités.
Parlons peu mais parlons bien : « Les chiffres ne sont pas secrets, j’ai un budget d’environ 300 000 euros pour gérer les fêtes. […] Je sais que j’ai 80 000 à 100 000 euros de communication, c’est très important. Et le reste c’est de payer les troupes qui viennent animer la ville pendant 48 heures. D’autant plus que cette année pour la 1ère fois, on a fait un retour dans une des rues de la ville basse […] c’est 25 000 supplémentaires. ». La culture a un prix et Provins a décidé de mettre la main à la poche. Mais tout n’est pas que dépense, « la ville, cela fait aussi parti de sa mission, c’est de créer de l’activité, de créer du commerce etc. À partir du moment où il y a des retombées … déjà c’est le sourire. S’ils me le disent comme cela, c’est qu’ils (les commerçants) sont contents. Les 48 heures de fêtes médiévales génèrent 1,6 millions d’euros de retombées financières pour les commerçants provinois. Ce n’est pas neutre ». Tout est dit.
Les médiévales de Provins constituent une belle réussite grâce à cet équilibre festif et culturel assuré par les compagnies artistiques et les artisans tandis que l’esprit de foire revit grâce aux commerçants. Ces derniers ne sont pas choisis au hasard, l’élu municipal assure qu’il a « une équipe qui tourne depuis ce matin et qui va me photographier toutes les rues et tous les commerçants (environ 340 !). Tout ce qui a été fait, de façon à ce que j’ai une bible de photographies. Comme ça on a une photo qui reflète le vrai truc. Après je créé une commission et on juge sur pièce, sur les longueurs et les possibilité, […] tous les ans on en refuse et puis on essaye d’en mettre des nouveaux, si on ne laisse pas de place aux autres c’est pas bon ! Donc nous avons à peu près 20% de nouveaux. […]Les artisans nous font de la bonne pub parce qu’en fait ils viennent de 66 départements différents ! ». Quand la fête est finie pour les festivaliers, la municipalité s’accorde quelques semaines de répit puis vient le temps du bilan, des doléances des provinois, « au mois de septembre, les 50 associations qui ont participé à la fête et les 40 commerçants et je leur donne 30-45 min à chacun pour me dire comment eux ont ressenti la fête, car eux ils voient tout depuis leur commerce. ». Les avis de tous comptent aux yeux de la municipalité et comme lors de nombreux événements actuellement, les réseaux sociaux sont devenus une véritable vitrine pour les villes et les fêtes : « je regarde beaucoup Facebook par rapport aux gens qui sont venus. On en ramasse à la pelle (des commentaires) mais à la limite c’est ce qui est bon. Si tout le monde écrit « on est allés passer le weekend à Provins, c’était vachement sympa, c’était beau c’était bien », ça sert à rien. Donc moi je préfère les gens qui disent la vérité vraie, les gens qui vont dire « c’est mal organisé, c’était le bazar, tel endroit on a pas pu faire ceci, tel endroit on a pas pu faire cela. Moi je recolle toute ses informations et après on regarde comment on peut faire évoluer les choses. ». Encore une fois, l’objectif est de ne pas s’endormir sur ses lauriers. C’est peut-être ce qui fait la force de ces fêtes médiévales à travers la France, la souplesse des municipalités ainsi que leur réactivité.
L’édition est une réussite, les badauds étaient nombreux dans la cité médiévale ce weekend du 15-16 juin. L’édition 2020 promet du renouveau et surtout, sans que nous ne le demandions, nous avons eu quelques indices sur sa thématique au détour de la conversation avec Ghislain Bray « Je pense que ça va être un thème très porteur car je suis allé voir ce qu’il se passait ailleurs et ça peut donner un paquet d’idées d’activités avec les jeunes et avec les parents. Je ne vous en dis pas plus mais pour vous donner un indicateur, il y a une grande maison qui a brûlé il n’y a pas longtemps… ».
À vos agendas !