À l’occasion des 33e Médiévales de Bayeux, l’artiste Marina Lys s’est produite en solo dans la cathédrale, mais également avec son trio Jàdys, sur la scène de l’Hôtel de Ville et en déambulation, tout au long du week-end.
Marina commence par nous raconter la manière dont elle a commencé à s’intéresser à l’époque médiévale. « J’y suis vraiment arrivée par hasard ou plutôt par un enchaînement de plein de choses. J’ai découvert un livre qui était dans la bibliothèque de ma grand-mère, qui parlait du Moyen-âge : Le Temps hors du temps de Gabrielle Carmi. Ensuite, j’ai fait de la calligraphie, de l’enluminure ». Pour Marina, les Médiévales de Provins sont une découverte qui fait date. « Étant musicienne, à la fête médiévale de Provins, j’ai découvert plein de choses qui m’ont plu, des instruments anciens. Je me suis dit « un jour, je ferais ça, j’aimerai être ici et chanter à Provins ! ». À l’époque, je jouais un peu de guitare classique, un peu de violon, mais je ne chantais pas du tout, ou très peu, en timide, juste pour moi ». Mi-juin, ce qu’elle espérait se réalise. Elle est invitée à se produire dans la collégiale Saint-Quiriace à l’occasion de la 36e édition. « C’était un rêve qui se réalisait. On y pense et puis ça arrive ».
À l’origine, Marina a suivi une formation en guitare classique au conservatoire. « Ayant la base de chaque instrument, je me suis ensuite mis aux instruments que j’ai actuellement ». Durant ses concerts, en trio ou en solo, elle alterne entre le nyckelharpa, vièle à archet suédoise, le bouzouki, le oud et parfois quelques instruments de percussions. Marina le confirme : « Je suis vraiment passionnée d’instruments, j’en ai plein chez moi ».
En 2012, Marina crée Jàdys, trio de musique d’inspiration médiévale. Elle nous raconte brièvement l’histoire du trio. La motivation est venue de « l’envie, c’est aussi le fait de voir plein de gens qui jouent en groupe. Je me suis dit que ce serait bien de créer quelque chose. À l’époque, je jouais avec un bouzoukiste et j’ai trouvé le nom Jàdys, que je trouvais chouette. Au fur et à mesure du temps et des ajouts dans le répertoire, il y a eu plein de musiciens qui sont passés. Là, on est à Bayeux avec notre spectacle Bohème, avec un répertoire de musiques plutôt tzigano-médiévales, des pays de l’est ». Le répertoire de Jàdys navigue entre des chants séfarades, dont certains en portugais, jusqu’à des morceaux traditionnels français. L’ensemble des ces morceaux choisis a le mérite d’ouvrir l’horizon du public sur des sonorités parfois méconnues. Malgré tout, sur le parvis de l’Hôtel de Ville, l’espace scénique nous semblait disproportionné. De plus, les nombreux va et vient, inhérents à la rue, permettaient difficilement de se plonger totalement dans l’univers du trio.
À l’inverse, le samedi soir, Marina s’est produite seule dans la cathédrale, légèrement mise en lumière. « C’est un autre répertoire, un autre univers. Au début, j’étais artiste de rue. J’allais à Beaubourg, j’allais jouer sur le parvis ou derrière Notre-Dame. J’y vais encore, quand j’ai le temps, mais j’ai de plus en plus de dates. Au départ, je jouais de la vièle à archet, l’ancêtre du violon, et au fur et à mesure, je chantais. De fêtes médiévales en fêtes médiévales, cela s’est su que je faisais quelque chose en solo et ça s’est enchainé. Cela fait trois ans que je propose quelque chose en solo. On me donne de beaux lieux, et je suis imprégnée du lieu où je joue. Il y a toujours quelque chose qui se passe. Cela me parle beaucoup de jouer dans les églises ». En effet, la cathédrale avec sa nef et son chœur immense ont offert un très bel écrin à la musicienne et chanteuse. L’artiste a notamment interprété Rosa das rosas, joli morceau issu des Cantigas de Santa Maria.
L’acoustique d’un édifice religieux semble plus adaptée pour le chant de Marina. Celle-ci nous raconte comment le chant s’est immiscé dans son univers artistique. « Je chantais toute seule pour m’entraîner dans une église à côté de chez moi. Je testais beaucoup de choses. Au fur et à mesure, beaucoup de gens m’ont dit que c’était bien. J’ai mis des vidéos sur Youtube et j’ai eu beaucoup de retours positifs. C’était une manière de tester le truc, c’est venu comme ça. À la base, ce n’était pas le but, j’étais musicienne, vielliste, c’est venu par hasard ».
Si certains morceaux sont communs entre le répertoire de Jàdys et celui des concerts solo, d’autres n’appartiennent qu’à l’un ou l’autre. Pour Jàdys, « c’est de la musique traditionnelle de France ou d’Europe, d’inspiration médiévale. Toutes les musiques de Jàdys sont des musiques qui datent du Moyen-âge, que je revisite. Je fais l’harmonisation. Pour le violon, je crée des contre-chants, je fais des ponts, je crée des choses entre. Je rajoute ma touche aux musiques médiévales. Je fusionne les deux époques avec mon style et le style de composition de l’époque. Je fais un mélange avec ce qui existait auparavant ». Comme beaucoup d’autres compagnies dans ce milieu, Marina réinterprète les morceaux pour se les approprier. « À la base, c’est toujours parce que le morceau me plait énormément. Si je le choisis, ce n’est pas par hasard, c’est que cela me parle. Ensuite, je réfléchis à comment je peux l’embellir, même s’il est déjà très beau, ou surtout comment y mettre ma patte. C’est moi qui suis à la base de toutes les musiques qui sont dans le groupe. J’ai la chance d’avoir une super violoniste qui est toujours partante. C’est vraiment la passion qui me porte, je ne vois pas le temps passer, c’est vraiment du plaisir. Je suis dedans, je suis bien, le temps, ce n’est pas trop grave. C’est ce qui en découle qui est important ».
Là où beaucoup de compagnies choisissent de ne travailler que des thèmes médiévaux réellement existants, Marina opte pour la liberté de s’offrir également une part de composition. « Je suis vraiment dans le même esprit que les troubadours qui viennent proposer ce qu’ils font sur les places et dans les églises. C’est vraiment faire revivre cette époque du troubadour ou du poète qui vient en place publique ». Marina s’est par exemple lancée dans un vaste projet. « J’ai fait tout un répertoire de musiques scandinaves qui s’appelle Les légendes du Valhalla. Il y a plein de compositions, j’ai fait l’harmonisation. Il devrait y avoir un futur CD, je ne sais pas trop quand, parce que cela demande beaucoup de temps, mais c’est un projet qui viendra. Il y a déjà six titres dans la boite. Il y aura une histoire autour de chaque musique, avec sa légende ». Suite au prochain épisode, donc !