Rencontre avec Shamgar Brook, Diablotin de la Compagnie Soukha !

Le week-end dernier, à l’occasion des Médiévales, la ville de Bayeux a vu déambuler dans ses rues les étranges petits diablotins de la compagnie Soukha, venus surprendre et parfois effrayer joyeusement le public. Shamgar Brook, fondateur de la compagnie, nous raconte la création de la compagnie et l’histoire de ce spectacle.

« La compagnie est née en 2002, cela fait une bonne dizaine d’année maintenant. Au départ, cela a commencé dans les fêtes médiévales. On avait un spectacle, La Caravane des Ménestrels, un spectacle plutôt traditionnel. Petit à petit, la compagnie s’est étoffée. On a ouvert les portes sur d’autres horizons que le médiéval, vers d’autres festivals, des animations pour les marchés de Noël, les carnavals. Petit à petit, on a étoffé avec différents spectacles, notamment des spectacles plus fantastiques, plus féériques. Aujourd’hui, on est douze permanents à plein temps, et on travaille également avec d’autres artistes en occasionnel pour des renforts un peu particuliers sur telle ou telle date ».

Cette année, le thème de ces 33e Médiévales de Bayeux était le fantastique. Répondant parfaitement à la thématique, la compagnie Soukha est venue présenter son spectacle de Diablotins. Ce spectacle est né trois ou quatre ans après la création de la compagnie. « C’était un spectacle qui nous tenait très à cœur déjà sur le côté fantastique. Il y a une grosse interaction avec le public, ça marche très fort. Les artistes l’aiment beaucoup parce qu’il y a des personnages, il y a beaucoup de matière pour jouer avec le public, non seulement sur tout ce qu’on fait au niveau musique et arts du cirque, mais aussi sur le côté théâtre et comédie. Il y a beaucoup de choses à faire ». Dans les ruelles de la ville, les Diablotins ont en effet fait forte impression auprès du public. Se querellant entre eux, faisant parfois peur au public, entremêlant musique et acrobatie, ils ont arpenté les abords de la cathédrale au son de leurs percussions, dont l’écho s’entendait de loin.

Chez Soukha, ce spectacle peut tour à tour prendre la forme d’une déambulation, d’un spectacle fixe, ou encore d’un spectacle de feu. « Dans la déambulation, il y a plus de proximité avec le public. On peut aussi profiter du mobilier urbain, il y a beaucoup d’improvisation. Pour les spectacles fixes, il y a plus de possibilités pour s’exprimer tant au niveau musique qu’au niveau visuel, arts du cirque. Cela permet d’avoir un spectacle  un peu plus construit ». Durant le week-end, le public était nombreux à se masser dans les gradins installés sur la Place de Gaulle pour assister au spectacle fixe. Durant quarante-cinq minutes, au son des percussions et de la cornemuse, les acrobates et circassiens ont enchainé les numéros en déployant tout l’éventail de leurs disciplines. Trapèze, acrobatie, cerceau, ruban…Le public s’est laissé surprendre par quelques belles envolées circassiennes !

Shamgar nous raconte la manière dont les artistes travaillent sur la préparation de ce type de spectacles. « Annuellement, on fait des grosses résidences qui durent deux ou trois semaines. Sur la résidence, j’arrive généralement avec une bonne base d’idées. L’important pour nous, c’est d’en discuter ensemble. Chacun apporte des idées puisque chaque artiste a vraiment un univers différent. On est vraiment d’horizons très différents. C’est ça qui est intéressant avec la compagnie depuis le début, on allie les musiciens et les artistes de cirque. Ca oblige les musiciens à apprendre les disciplines des autres, les contraintes aussi… Les contraintes d’un acrobate par rapport à la durée d’un numéro, par rapport à des performances, au terrain aussi, si c’est de l’herbe ou du pavé, un jongleur s’il a le soleil dans les yeux. En résidence, on travaille beaucoup là-dessus. Chaque week-end, on débriefe pour savoir ce qui était bien, moins bien. On essaye toujours de peaufiner les choses, d’être à l’écoute. On s’écoute vraiment, c’est un travail d’équipe ».

Comme beaucoup de compagnies, Soukha adapte la voilure de ses propositions artistiques aux demandes des organisateurs pour se donner la possibilité de jouer autant que possible. « La première formule est à partir de cinq artistes, on a toujours deux musiciens, c’est vraiment la base, et ensuite, on étoffe sur tout ce qui est visuel. Sur les petites formules, on est plutôt sur des enchainements de solos. Plus on est sur des grosses équipes et plus on est sur du collectif. Sur le format à douze artistes, c’est assez impressionnant. On a opté pour ça face aux budgets des organisateurs. Certains organisateurs ont parfois des petits budgets, n’ont pas forcément de subventions. Cela permet de satisfaire un peu tout le monde. Cela dépend aussi des événements. Quand ce sont des grosses parades de deux heures, on conseille plutôt la grande formule. Sur celle-ci, on double les musiciens, on est quatre, donc au niveau volume, cela prend plus de place ».

Musicalement, les artistes adaptent leurs instruments selon qu’ils déambulent ou jouent en fixe. « Sur chaque spectacle, on a des ambiances différentes. Sur les Diablotins, on a voulu une ambiance un peu pesante, un peu lourde. C’est uniquement de la création des musiciens. Il y a un côté un peu tribal. On est parti sur des peaux qui ont un son bien grave. Généralement, le public aperçoit les artistes en déambulation pendant quelques secondes ou quelques minutes. Sur un spectacle fixe, c’est un petit peu plus long, c’est plus posé. C’est aussi pour cela qu’on essaye de varier les choses : si on n’a que de la percussion pendant quarante-cinq minutes, cela peut être un peu lassant. Je fais de la cornemuse et je suis aussi sur échasses en déambulation. Sur certains spectacles, je fais les deux en même temps, mais sur celui-ci, on favorise plus la rencontre avec le public. On est vraiment plus sur les personnages. On a opté pour les percussions dans la déambulation parce qu’on nous entend bien arriver ! ».

Si à l’origine, Shamgar vient du milieu classique, sa première plongée dans l’univers médiéval l’a instinctivement convaincu. « J’ai une formation qui n’a rien à voir. A la base, j’ai une formation plutôt musique classique, je suis allée au Conservatoire, j’ai eu la médaille d’or en flûte traversière, je faisais aussi du piano. Je suis allé en spectateur, par hasard, sur une fête médiévale. J’ai vraiment beaucoup accroché sur l’univers, à la réaction du public par rapport à de la musique très festive. Je me suis mis à la cornemuse, j’ai vite appris parce que j’avais beaucoup de base en musique. Il y a différentes compagnies qui m’ont proposé rapidement du travail. Les fêtes médiévales, c’est un moyen de se déconnecter complètement, aussi bien pour les artistes que pour le public. Cela transforme aussi une ville. Dans les événements culturels en France, c’est quelque chose d’assez fort ».

Malgré tout, si la compagnie est d’abord née dans le réseau des fêtes médiévales, ce n’est aujourd’hui qu’une petite partie de leur grande activité. « Nous, on s’est ouvert sur d’autres horizons parce que les fêtes médiévales sont très concentrées sur l’été. Pour avoir une activité vraiment viable pour la compagnie, j’ai préféré ouvrir sur d’autres choses. C’est très intéressant. On continue malgré tout les fêtes médiévales parce que c’est quelque chose qui est fort. Aujourd’hui, le médiéval représente à peu près 15% de notre activité. Sur les fêtes médiévales, les programmes sont très intenses, sur les autres réseaux, c’est plus relax. Cela permet aussi de se préserver ». Alors surveillez leur agenda, peut-être vous laisserez-vous surprendre face à leurs caravanes de pirates, de ménestrels, ou d’elfes des neiges !

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