Plongée dans l’univers passionnant & passionné de la compagnie Zoolians !

Dans le cadre des 37e Médiévales de Provins, la compagnie Zoolians est venue ce week-end investir les rues de la vieille ville avec son spectacle déambulatoire, Les Chasseurs de drakes. À cette occasion, nous avons rencontré Jules Dubois, l’un des fondateurs de la compagnie, afin qu’il nous en apprenne davantage sur ce projet, et plus largement sur l’univers, au combien riche et inspiré, des Zoolians !

La compagnie a été créée en 2005, et s’est dès ses débuts spécialisée dans le spectacle de feu. « On adore aussi tout ce qui est lié à la fabrication. On s’amuse avec des personnages, on crée de la déambulation, du spectacle déambulatoire. On est plutôt dans tout ce qui est bestiaire fantastique ». Chez les Zoolians, la création ne s’arrête pas à l’écriture de spectacle, elle s’étend à tous les composants du projet. Chez eux, tout est « fait maison ». Et c’est là l’une des signatures de cette compagnie.

« J’ai toujours bricolé depuis que je suis gamin. J’ai fait les Beaux-Arts, ce n’était pas fou comme études. On te rentre dans une espèce de moule, et moi, je faisais mes petites expériences de mon côté. J’ai fait quelques spectacles associatifs, vraiment amateurs, et je me suis rendu compte qu’au final, ce que je proposais était à la limite du professionnel, du point de vue de la qualité du spectacle. Du coup, je me suis dit « Pourquoi  pas moi ? Pourquoi je n’essayerais pas ? ». Avec deux autres copains, on a monté la compagnie et ça a tourné tout de suite. Dès la première année, on a été intermittent, uniquement avec la compagnie. »

C’est à l’âge de douze ans que Jules commence à pratiquer le feu. À l’époque, il jongle déjà, on lui propose d’essayer le feu, et la magie opère. « J’ai tout de suite eu un rapport particulier à la flamme, et j’ai toujours eu envie d’aller un peu plus loin, encore un peu plus loin, et toujours un peu plus loin… ». À l’écouter nous raconter son parcours, on devine entre les lignes que le petit garçon de douze ans n’est pas si loin. Dans ses propos, le jeu revient souvent, il répète plusieurs fois que dans cette compagnie, « ils s’amusent beaucoup ». Tel l’enfant qui teste les limites, Jules et les Zoolians sont de ceux qui ne cessent jamais d’explorer de nouvelles routes et techniques. Comme un jeu. « C’est comme les cuisiniers qui vont récupérer les plats dans les fours sans les gants, à force, c’est un peu pareil. Les flammes ne font plus peur. C’est toujours dangereux, et il y a toujours un ratio danger/visuel auquel il faut faire attention. On a plein d’effets visuels en stock, qu’on ne sort pas en spectacle, parce qu’on sait que c’est trop dangereux ou alors qu’il nous faudrait des scènes gigantesques. » Zoolians a déjà collaboré avec d’autres compagnies, comme La Salamandre ou Manda Lights, dans le réseau  des arts de la rue. « Quand on regroupe les trois compagnies, on se retrouve à une quinzaine d’artistes, on fait de très gros événements, et on peut se permettre de sortir de l’explosif et de gros effets de flamme, parce que le public est loin ».

Dans l’univers de Jules et de sa compagnie, tout semble en perpétuelle effervescence. Aucun spectacle, ni aucune création n’est un objet fini, devenu immuable. « On a plein d’idées en stock, en fait, on a plus d’idées en stock que de temps de création ! On ne sort pas des créations très souvent. Le spectacle de feu, Arcanes, est un projet qu’on a envie d’améliorer. On peut aller plus loin encore dans le projet. On aurait une obligation de renouvellement, je pourrais en sortir un par an, mais peut-être qu’il serait moins bien, parce qu’on irait moins au bout ». C’est probablement ce jusqu’au-boutisme qui fait de Zoolians une véritable référence, dans le milieu du spectacle de feu. Leur nom circule, leur réputation les précède. Lorsque Jules évoque leurs spectacles de feu, on imagine sans peine la construction extrêmement réfléchie, le souci du moindre de détail, qui ont mené à leurs créations. « Une fois que le spectacle commence, on emmène les gens dans quelque chose. Ce n’est pas juste un défilé de gens qui font du feu. On crée une histoire à chaque fois, une histoire pour nous. J’ai envie de proposer des spectacles qui ne soient pas élitistes, avec des gens qui doivent réfléchir pour comprendre ceci ou cela. La personne qui a envie de voir des belles images, sans comprendre le fond, elle voit des belles images ». À l’inverse, Jules reconnait que beaucoup de spectateurs sont aussi attentifs au propos du spectacle, et qu’ils le comprennent sans mal.

Ce qui fascine, lorsque Jules ouvre la porte du monde des Zoolians, c’est la réflexion et le perfectionnisme qui animent ces artistes. Rien n’est laissé au hasard. Il nous donne plein d’exemples, même son discours foisonne d’images et de petits riens qui, au final, font des spectacles des Zoolians des créations extrêmement abouties. « C’est une bonne synergie entre la musique, les décors, les chorégraphies. On fait attention à chaque geste. On ne va pas faire qu’une wave. Aux bolas, par exemple, une poursuite, c’est quelque chose que tout le monde fait. C’est une figure de jongle que tous les jongleurs connaissent, mais tu peux la faire de mille façons différentes, selon l’intention que tu donnes, selon comment tu fléchis les jambes, comment tu envoies vers les gens ».

Si les spectacles de feu fonctionnent si bien auprès du grand public, c’est aussi grâce à la fascination que celui-ci suscite. Jules le reconnait : « Dans le spectacle de feu, il y a une facilité à se cacher derrière la flamme ». On apprend, dès l’enfance, à ne pas s’approcher du feu, on nous répète sa dangerosité. De cette peur nait naturellement une forme d’émerveillement et de curiosité. « Là, on dompte le feu, et on n’essaye pas de se cacher derrière la flamme, mais qu’elle soit au service du danseur. Je pense que c’est ça qui fonctionne dans la compagnie ». En l’écoutant, on imagine chez les Zoolians une grosse compagnie, faites de multiples corps de métier. Dans la réalité, il n’en est rien. Zoolians, c’est cinq personnes, touche-à-tout, véritables artistes-artisans chez qui le « jeu » ne peut exister sans le « faire ». « Les spectacles tournent avec cinq personnes qui font tout. Moi, je suis sur scène quasiment tout le long, je peux faire autant de la musique que de n’importe quel agrès. Au niveau de l’atelier, certains sont moins bricoleurs, mais cela fait partie du deal, tu viens quand même bricoler, et au final, ils prennent plaisir ».

Si les Zoolians existent depuis dix-sept ans, l’équipe s’est particulièrement renouvelée ces dernières années. Suite au décès brutal d’un des fondateurs du groupe, il a fallu réinventer la suite de l’histoire, autrement. « Depuis cinq ans, on a eu du mal à retrouver une symbiose, à retrouver une équipe vraiment fixe. Depuis cette année, on a une équipe vraiment top. Jess nous a rejoints il y a deux ans, Franck depuis cet hiver. Là, on sent un vrai investissement, une vraie vie de compagnie, des gens qui sont heureux d’être dans cette compagnie-là particulièrement. Il ne s’agit pas de venir faire des cachets. Je fais beaucoup plus d’ateliers que les autres, d’une part, parce que c’est chez moi, et qu’en parallèle, je fais de la construction de décors et de costumes pour une autre structure. Je suis plus bricoleur, mais les autres aiment le faire aussi ». Quand on lui fait remarquer qu’à l’aune de tout cela, le travail des Zoolians apparait comme particulièrement collaboratif, la réponse de Jules est catégorique : « Si ce n’était pas le cas, jamais je n’aurais fait ce métier ». Chez les Zoolians, cela joue, cela crée, cela construit, cela réfléchit, cela réinvente, mais surtout, cela se fait ensemble, dans une énergie partagée où chacun trouve sa place, et où toutes leurs inspirations entrent en fusion. À partir de là, pour chaque création, se dessine soit une histoire, soit un univers visuel, autour desquels toute l’équipe apporte sa pierre à l’édifice. « Je suis le capitaine du bateau, mais l’équipage a une grosse part, et je sais qu’à n’importe quel moment où je ne peux pas conduire le bateau, ils sont là pour reprendre les rênes ».

Si le feu demeure leur domaine de prédilection, les Zoolians font également des spectacles déambulatoires, comme Les Chasseurs de drakes, joués à Provins ce week-end. « Ce sont des personnages qui chevauchent des dragons, qu’on appelle les drakes. Dans la version de base, on est cinq, avec les deux dragons, une grosse charrette avec des œufs qui sont couvés, et on est là pour préserver l’espèce ». Si la formule initiale se joue à cinq, avec l’ensemble de la compagnie, les Zoolians sont ici venus avec une forme plus légère, avec deux artistes. « Cette version à deux, on ne l’avait faite qu’une fois, pour un tout petit village à côté de chez moi, pour des contraintes de budget. On s’est rendu compte que ça marchait hyper bien, et donc on l’a reproposé à Provins ». À deux, la formule est efficace, idéale pour les petites ruelles étroites de la cité médiévale. Dimanche, dans la rue du Palais, le chemin s’ouvrait naturellement devant ces étranges personnages. Jules y chevauche un dragon, une structure de quelques 35 kilos, qui semble pourtant si facilement souple et maniable. Le design rend la déambulation captivante. Ce dragon est tout en texture, au contact de sa peau, on s’y tromperait presque. Ses yeux clignent par moment. Le personnage de Jules le chevauche, le dirigeant par ses images cornes ondulées. Les costumes des deux personnages le contribuent également à l’esthétique de la déambulation : sous leurs turbans noirs, d’où s’échappent seulement leurs regards persans, les deux comédiens nous entrainent dans un autre voyage. De l’idée à la première représentation, Jules confie qu’il a fallait un an et demi de travail. Fidèle à tout ce qu’il nous a raconté avant, Jules laisse alors filtrer les idées qui viennent tout juste de lui venir en tête, à l’issue de la première déambulation du week-end. Il pense aux prochaines dates, à comment réadapter chaque formule, à la manière de toujours faire autrement. « On est toujours en questionnement : plutôt que de partir en cortège, est-ce qu’on ne pourrait pas partir de plusieurs endroits de la fête et se retrouver sur un moment fixe, où on finit à cinq ? ».

Et lorsqu’on le questionne sur ce choix d’intervenir dans des fêtes médiévales, la réponse boucle la boucle. « Dans les fêtes médiévales, j’adore le fait que les gens soient costumés, y compris le public, cela enlève l’étiquette « toi, tu es comme ci, toi tu es comme ça ». Ca mélange les générations et toutes les professions. Un banquier et un chômeur vont se retrouver ensemble et être contents de ripailler. Et je crois qu’on ne trouve pas ça ailleurs ». Tout est donc là : chez les Zoolians, les créations se font ensemble, dans un véritable travail collaboratif où chacun apporte son savoir-faire et en acquiert d’autres, au profit de ces événements, où, comme par un effet miroir, le public est invité à recevoir, ensemble, ayant ou non les codes du théâtre de rue, les créations de ces artistes peu communs. Alors si ces Chasseurs de drakes nous ont déjà largement convaincus, on attend avec une impatience non dissimulée l’occasion de découvrir ces cinq artistes, aussi atypiques que viscéralement passionnés, dans un spectacle de feu qui nous révèlera toute l’étendue des possibles qu’ils s’emploient à explorer sans relâche !

Toutes les infos & actus sur la compagnie sont à retrouver sur compagnie-zoolians.com

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