Rencontre avec la compagnie Corazon !

À l’occasion des 37e Médiévales de Provins, c’est sous les voutes du Caveau Saint-Esprit où sont établies leurs loges, que nous avons rencontré Vincent, Yannick et Romain, trois membres de Corazon, pour les écouter nous raconter l’histoire de cette compagnie et leur univers artistique.

Si Corazon se dédie uniquement à la musique et à la jonglerie, cette formation musicale composée de cinq artistes fait partie d’un ensemble plus vaste, au sein de la compagnie La Muse. « La Muse est une association, avec plusieurs branches. Il y a une partie théâtre, une partie musicale, avec Corazon, une partie culinaire, avec Fabian Müllers, [le fondateur de la compagnie], qui est doctorant en gastronomie médiévale. Il y a aussi des éditions de livres, des jeux médiévaux » explique Vincent, joueur de veuze.

Si Corazon existe depuis longtemps, le groupe a connu plusieurs changements d’équipe. Vincent nous raconte la création de cette nouvelle version : « Au début, j’étais remplaçant dans l’ancienne version de Corazon. Fabian Müllers m’a demandé si je n’avais pas des musiciens à lui proposer. J’ai demandé à Yannick de venir, à Frantz, le percussionniste. Il nous fallait un jongleur donc on a demandé à Romain. Avant, il y avait Delphine qui était avec nous en percussions, qui était une ancienne de Corazon également. Comme elle est décoratrice de métier, elle n’a plus le temps de jouer avec nous, donc on a pris un remplaçant, Stéphane, qui est un très bon musicien aussi. Et c’est de cette manière qu’on s’est retrouvé ensemble. Cela fait deux ans qu’on est la nouvelle mouture. On est des musiciens bretons, on a joué dans le Bagad de Saint-Nazaire pendant des années. Sinon, on est traditionnaliste, on fait de la musique traditionnelle vraiment pure et dure ».

C’est en février 2020 que cette équipe se constitue pour relancer le projet Corazon. S’en suit tout un travail pour constituer le répertoire et créer collectivement les arrangements. « À la fin de l’année 2020, on a enregistré un album dans les locaux du Bagad de Saint-Nazaire. Et l’album a été enregistré en trois jours, avec une bonne équipe, très compétente sur ce sujet-là » raconte Yannick, joueur de bombarde et de flûte. Créée juste avant le début de la pandémie, le collectif a malgré tout réussi à se produire sur plusieurs dates dès sa première année d’existence, comme le confirme Yannick. « En 2020, malgré le Covid, on a pu effectuer six dates, à l’Abbaye de Belleperche près de Montauban, à Orléans… L’an dernier, on a eu une belle saison, on a fait à peu près une trentaine de dates à travers toute la France ».

Chez Corazon, le son est puissant. Dans leur malle d’instruments cohabitent un hautbois breton, la bombarbe, la veuze, cornemuse vendéenne, et deux percussions, un davul et un tambour agrémenté de plein de « gris-gris », comme les nomme Vincent, tels des cymbales et autres joyeusetés permettant de multiplier les sonorités. Tous ces instruments sont au service d’un répertoire varié. « Il y a beaucoup de choses dans le répertoire de Corazon ! Il y a à la fois des airs historiques, qui sont sourcés, et il y a aussi des compositions » explique Yannick, alors que Vincent complète : « Pour la composition, généralement, avec Yannick, on écrit les thèmes, et ensuite, on voit avec les percussionnistes comment on peut remodeler tout ça ».

En plus des musiciens, l’équipe est complétée par Romain, jongleur, qui apporte l’atout visuel du projet, mais pas seulement. « C’est aussi un aboyeur. C’est lui qui parle, qui présente les morceaux. On ne fait pas que jouer, il y a toujours une histoire, un voyage. C’est lui qui raconte cette histoire. Jongleur, agitateur, aboyeur….il fait tout ! ». Dans les douves de la citadelle, lorsque Corazon se produit, le public s’arrête. Leur son tonitruant et énergique alpague chacun des spectateurs qui croisent leur route. Romain est un fil rouge, qui créé du lien avec les quatre musiciens. Il alterne tour de jongle, sagattes au bout des doigts, et bons mots pour faire rire les spectateurs.

Si la plupart du temps, Corazon joue en fixe, il est également fréquent que les organisateurs de fêtes médiévales les sollicitent pour jouer en déambulation. Les cinq artistes sont conscients de l’intérêt de ces déambulations pour le bien de l’événement, comme le souligne Yannick : « La déambulation permet aussi de rappeler au public qu’il y a des choses dans différents endroits de la fête ». Toutefois, pour eux, le rapport au public se révèle bien différent dans ces circonstances. « La déambulation et le fixe, c’est vraiment différent. Le fixe, on est plus à l’aise, on pose les choses, le public est devant. Le match avec le public se fait plus facilement. Je pense que c’est le lot de toutes les troupes qui ont un peu de théâtre et de mise en scène. En déambulation, on perd un peu de cet aspect-là » explique Romain sur cette réalité des fêtes médiévales, partout en France. C’est dans la rencontre avec leur public que la différence est particulièrement palpable. « Avec la déambulation, on ne fait que passer, et le public aussi. On se croise. Alors que dans un format fixe, il y a une vraie proximité avec les gens, ils sont là, ils sont avec nous. Pendant une demi-heure ou trois quart d’heure, on est vraiment avec eux » précise Vincent. Mais au-delà de cette relation particulière avec le public, d’autres questions et contraintes se posent, lorsqu’une déambulation doit avoir lieu. « Le tambour de Frantz est très lourd, il fait environ neuf kilos. Ce n’est pas possible en déambulation. Donc, dès qu’on en fait, il a un plus petit tambour, mais qui n’a pas tous les gris-gris du tambour principal. Et notre son, c’est vraiment celui avec le premier tambour, pas avec le tambour léger » poursuit Vincent.

Malgré ces contraintes, les artistes savent déjouer les écueils de ces déambulations en s’appuyant sur leur expérience dans le milieu des fêtes médiévales. « La déambulation dépend aussi de la taille de la rue. Si elle est large, à un moment, on va réussir à s’arrêter, à faire un cercle » commence Romain. Et Vincent poursuit : « Dans tous les cas, quand on nous demande de faire des déambulations, on les fait, mais une fois qu’on joue, on est les seuls décisionnaires pour choisir si on doit s’arrêter là, là, ou là. C’est aussi l’expérience qui joue. S’il y a un petit attroupement de gens à un endroit, on va s’arrêter là. On est là pour leur offrir des choses, pas juste passer comme sur une autoroute ». Et Corazon fait mouche, notamment auprès des enfants et des jeunes adultes. Leur son dynamique, puissant, et particulièrement énergique arrive à capter le public. Depuis les douves jusqu’au chemin des remparts, lors du défile du dimanche après-midi, les cinq artistes de Corazon ont su faire trouver leur auditoire, et parvenir à rencontrer les spectateurs, pour défendre leur musique avec autant de panache que de joyeuse énergie !

 

 

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