Dans le cadre des 35e Médiévales de Bayeux, la troupe Smedelyn était invitée pour mettre la musique sur le devant de la scène. Tout au long du week-end, ce quatuor s’est produit aussi bien en déambulation dans les ruelles de la vieille ville, sur scène, sur le parvis de l’Hôtel de ville, et même en cathédrale ! Le dimanche matin, nous avons rencontré Pierre-Yves, sonneur de veuze à l’initiative de cette troupe.
Le musicien est un vrai habitué de ces événements, puisqu’il est « dans le réseau des fêtes médiévales depuis trente-quatre ans ». Après avoir intégré plusieurs formations musicales, dont Al Cantara, avec qui il était déjà venu à Bayeux en 2018, Pierre-Yves a choisi de créer sa propre compagnie. « Smedelyn est un groupe de musique qui est très récent, qui a été créé il y a trois ans et demi, avec deux années de Covid dans le milieu. On est quatre musiciens : deux percussionnistes, un sonneur de veuze, et un sonneur de hautbois ». À la veuze, on retrouve Pierre-Yves, au hautbois, Manu. Et du côté des percussions, Fidic est au davul, aux sagattes et au tambourin, alors qu’Alex joue du tambour et des karkabous. Si les quatre acolytes sont réunis autour de cette même formation musicale, c’est avant tout parce qu’ils se connaissent de longue date, et que leur réunion s’est faite comme une évidence.
À l’oreille, le nom de « Smedelyn » interpelle, sonne déjà par lui-même. Pierre-Yves nous en raconte son origine. « Le nom Smedelyn est tiré du nom d’une danse de la Renaissance. Cette danse est une allemande. Il y a des danses qui sont des branles, et bien là, c’est une allemande. J’ai lancé le groupe, au départ, par rapport à une autre compagnie, qui est une association basée à Nantes, une troupe de danseurs. On était parti pour faire plutôt de la danse, pour les mener à la danse. Au final, il s’avère qu’on joue le plus souvent tous seuls. Donc on a monté un répertoire à nous, pour faire de la rue, mais on a aussi un répertoire de trois sets pour les faire danser ».
Après trente ans passés dans les fêtes médiévales, on pourrait imaginer une passion qui s’étiole. Et pourtant, en écoutant Pierre-Yves, on comprend rapidement qu’il n’en est rien. Cette ambiance et ces sonorités le nourrissent réellement. Jouer dans ces fêtes donne un sens particulier à son métier. Pour se faire, Smedelyn s’est constitué un répertoire, autant pour la danse, que pour la rue. « Dans le répertoire, il y a une part de composition, qu’on a réalisée avec Fidic. En dehors, on travaille sur un répertoire plutôt Renaissance, des Cantigas, plein de morceaux historiques qu’on a remaniés, retravaillés, qu’on a mis en musique. On a travaillé tout ce répertoire pour qu’il colle avec les fêtes médiévales et Renaissance. C’est un répertoire très dynamique à jouer. On n’a pas d’écrits, à l’origine, de ces musiques-là, on n’a pas grand-chose. Pour nous, c’était sympa de retravailler ça pour pouvoir les jouer en rue. On s’éclate vraiment à faire ça ! ». En les découvrant sur la scène de l’Hôtel de ville, en plein après-midi, on sent chez ces quatre musiciens l’envie de partager cet univers qui les animent, de réveiller le public avec ses sons rythmés et puissants.
Au-delà des déambulations qu’ils ont pu faire durant le week-end, ou de leur set fixe, sur la scène de l’Hôtel de ville, Smedelyn s’est également vu offrir la possibilité de faire le traditionnel concert en cathédrale, systématiquement programmé le samedi soir. Si, généralement, les groupes qui y sont programmés ont l’habitude de l’exercice, pour Smedelyn, c’était une première. « On a adapté un répertoire pour le concert de la cathédrale, avec quelques chants, qu’on ne fait jamais normalement. L’occasion s’est présentée. Christophe Dargère, de l’Association pour l’Histoire Vivante, nous a demandé de faire ce concert. Il voulait un concert plutôt posé ». Dans l’écrin de la cathédrale, on imagine difficilement un concert tonitruant, vu l’acoustique du lieu. De prime abord, l’exercice ne semblait pas simple. « C’était un peu angoissant au départ. J’avais peur que le public soit assis sur des bancs, qu’ils soient posés, et qu’il n’y ait pas d’interaction avec les gens. Et c’est vraiment ce que j’aime dans la rue et dans le fait d’être sur scène, on peut les faire réagir, taper dans les mains… Au final, il y a quand même eu de l’interaction, on les a fait chanter. C’était très sympa, j’ai beaucoup aimé. On pourrait le développer, si l’occasion se présente ». Le public, déjà nombreux avant l’arrivée du groupe au sein de l’édifice, se questionnait sur la nature du son qui s’élancerait dans les minutes suivantes. Les quatre musiciens ont entamé leur premier morceau sur le parvis, dos à l’entrée, pour faire venir à lui les promeneurs présents alentours. Ils ont ensuite remonté la nef, le public à leur suite, pour venir s’installer à la croisée du transept.
Pour ce concert, les quatre artistes ont alterné morceaux instrumentaux et chants. Pour les parties chantées, on aurait aimé qu’une sonorisation permette à l’auditoire, notamment au fond de la nef, de pouvoir profiter pleinement du concert. En revanche, pour les morceaux purement instrumentaux, là où l’on craignait un son peut-être trop brutal pour l’écrin qui s’offrait à eux, Smedelyn a réussi à trouvé l’équilibre nécessaire. Dans l’acoustique de cet édifice sublime, la veuze, le hautbois et les percussions faisaient entendre leurs sons, avec une résonance incroyable, qui ne pouvaient laisser insensibles.
Même si ce concert en cathédrale s’est révélée une très belle expérience, Pierre-Yves le reconnait, c’est encore et toujours dans la rue qu’il se sent le plus à l’aise, et ce qui l’amuse le plus. « Avec le set en déambulation, on essaye d’accrocher les gens. On est à un mètre ou deux d’eux, on essaye de décrocher des sourires, des clins d’œil. On veut qu’il y ait un échange. Des fois, on passe, les gens sont derrière leurs téléphones, à nous filmer ou à prendre des photos, et dès qu’on s’approche d’eux, on voit une banane sur leurs visages, et c’est ça qui est sympa ! C’est ce que je recherche et j’apprécie. Dans les médiévales, les gens viennent faire la fête, donc ils sont forcément heureux. On les fait taper dans les mains, on les fait danser, et j’ai l’impression que ça leur fait du bien ! ». Au fil des rues, on ne peut que constater combien Pierre-Yves dit vrai. L’alliance des sonneurs et des percussionnistes, au sein de ce quatuor, rend leur formation musicale terriblement efficace. Dans un environnement où le public déambule, va et vient, le son de Smedelyn s’entend de loin, prend le temps d’arriver jusqu’aux spectateurs, et ne les lâche pas, même après les avoir dépassé.
Dans leur répertoire, Pierre-Yves et Fidic sont à l’origine des compositions. « Fidic et moi apportons les morceaux, qui composons les contre-chants, qui mettons en partitions. On les envoie aux membres du groupe pour qu’ils les apprennent. Ensuite, on fait des résidences pour se retrouver, jouer les morceaux, voir s’il y a des petits changements à apporter, si cela sonne, si c’est accrocheur ou pas. Il y a des morceaux qu’on utilise pour faire danser La Volte Gaillarde, la troupe de danse basée à Nantes, mais les compositions sont en constante évolution. Les morceaux historiques, on les entend très régulièrement, jouées par beaucoup de troupes, Apporter quelques compositions, au sein du set, c’est aussi notre marque de fabrique ».
Tout au long du week-end, Smedelyn aura contribué à faire vivre cette fête, en faisant découvrir au public l’ensemble de son répertoire, et en allant le chercher, à chacune de ses déambulations. De la rue à la cathédrale, le quatuor se sera fait entendre, sous toutes ses formes, dans toutes ses configurations, pour le plus grand plaisir de leur auditoire !