Nous les avions laissés en 2019 aux Médiévales de Provins, alors que des changements d’équipe s’annonçaient, et c’est en 2022, après deux années culturellement mises à mal, que nous avons retrouvé Aouta ce week-end, aux Médiévales de Compans, en Seine-et-Marne.
De l’équipe d’origine ne subsistent que Guillaume Rigaud, sonneur et compositeur du groupe, Samantha Donat, danseuse, et Nicola Marinoni, joueur de davul. Exceptionnellement sur cette date, ce dernier est d’ailleurs remplacé par Kofy, que l’on connait pour son travail dans la compagnie Les Aboyeurs. En dehors, l’équipe s’est entièrement renouvelée. Valentin Turcan est aux percussions, Valentine Dente à la flûte, Pierre-Angel Laïdli à la viole de gambe, et Adrian Sinard à la jonglerie. Et avec cette nouvelle équipe, Aouta a fait souffler un vent de fraicheur sur son spectacle Macabra, joué ce samedi à Compans.
Depuis la création de ce projet, Aouta a toujours affirmé une identité forte avec Macabra, comme en témoigne leur arrivée sur la fête. Les regards se braquent sur eux. Leurs costumes et maquillages, les transformant en squelettes aux couleurs chatoyantes, captent l’attention. Ils interpellent, interrogent, ne laissent personne indifférents.
En milieu d’après-midi, la compagnie a fait un premier set, en spectacle fixe. Les musiciens, au fond, ont interprété le répertoire de la compagnie, également fortement renouvelé. Le nyckelharpa que l’on connaissait dans ce projet a été remplacé par la viole de gambe de Pierre-Angel Laïdli, qui apporte une vraie nouveauté dans les sonorités du spectacle. Ce dernier a d’ailleurs rejoint Guillaume Rigaud dans la composition du répertoire. Les morceaux récemment créés creusent le sillon du répertoire initié dès le début de Macabra. L’identité sonore d’Aouta demeure intacte, toujours aussi cohérente, toujours aussi identifiable.
Sur chaque morceau, plusieurs arts se succèdent pour apporter des éléments visuels au spectacle. Tour à tour, Samantha Donat et Adrian Sinard se passent le relai. Ce dernier alterne bolas et balles de jonglage. Quand Samantha prend la relève, Adrian n’en sort pas moins du cadre. Il cultive toute la gestuelle de ces danses macabres, prend des allures de pantin désarticulé dont les mouvements de tête et celui des mains suscitent le rire ou la peur chez les plus jeunes. Tout au long du set, Samantha incarne et joue cette même manière de bouger, parfois inquiétante, toujours captivante. Quand elle vient sur le devant de l’espace scénique, elle passe des tissus aux grands voiles, jusqu’à danser armée de fumigènes roses qui enfument tout l’espace. Les sept artistes deviennent alors presque fantomatiques, silhouettes étranges dans cette brume de fumée. Sur l’un des morceaux, c’est une marionnette qui apporte la touche visuelle du spectacle. Petit squelette manipulé par Guillaume Rigaud, qui l’amène à la rencontre du public, cette petite créature se met alors à danser avec Samantha.
Si l’association entre la musique, la danse, et la jonglerie a toujours fait partie de l’ADN d’Aouta, la compagnie a toutefois poussé le concept plus loin, avec cette nouvelle formule. Les arts ne se superposent plus les uns aux autres, ils se conjuguent ensemble. Un lien beaucoup plus construit s’est tissé entre les propositions musicales et visuelles des différents artistes. Quelque chose de nouveau circule entre eux. Le set en lui-même dégage beaucoup plus de mouvement : les musiciens semblent moins statiques qu’auparavant. Entre chaque morceau, quelques textes surgissent. La parole se dissémine entre chacun, donnant du rythme au spectacle. Sur l’un des morceaux, plusieurs artistes, et pas seulement les musiciens, s’équipent de bambous horizontaux, qui deviennent des instruments de percussions. Tous se retrouvent en une ligne serrée, avançant progressivement vers le public.
Il nous tardait de découvrir la nouvelle version de ce projet, très riche autant musicalement que visuellement. Si ses précédentes formations nous avaient déjà largement convaincus, on constate avec plaisir que le renouvellement de l’équipe artistique a permis de donner un nouveau souffle au spectacle Macabra. Une énergie différente s’est créée, un lien plus ténu s’est mis en place entre les artistes, sur chacun des sets. La musique et le visuel sont devenus une co-création, de manière bien plus évidente, et s’entremêlent davantage. On imagine sans peine le long travail de résidence par lequel les artistes sont passés pour réussir à imaginer et mettre en œuvre cette imbrication plus franche de la musique avec la danse et la jonglerie. Aouta s’élance dans cette saison estivale avec un projet renouvelé, plus abouti encore, qui promet aux spectateurs qui les croiseront autant de douces frayeurs pour certains que d’émerveillement pour d’autres !