“L’Improbable Quête des Maroufles” : un succès aux Médiévales de Bayeux !

Dans la belle diversité de propositions artistiques et d’esthétiques présentées aux Médiévales de Bayeux, la compagnie Sonjévéyés s’est faite largement remarquée, dès le défilé du vendredi soir, avec son cortège de six comédiens venus présenter L’Improbable Quête des Maroufles, leur dernier spectacle. Fouet qui claque, personnages aussi laids que légèrement terrifiants une fois la nuit tombée. Le ton était donné ! Ces Maroufles promettaient d’en faire voir de toutes les couleurs au public de Bayeux ! Entre deux représentations dans le jardin de l’Hôtel du Doyen, nous avons rencontré Florie et Yvan, qui nous ont fait découvrir les coulisses de cette création déjantée.

La compagnie Sonjévéyés a été créée en 2006, comme l’explique Florie. « Au départ, j’ai monté la compagnie avec mon frère, Ollivier, avec un spectacle, Lunanthropes, qui est plutôt très poétique. Ensuite, j’ai un duo de burlesque clownesque. On a aussi des lutins de Noël ». Toutefois, d’entrée de jeu, l’artiste précise que L’Improbable Quête des Maroufles n’est pas une création menée uniquement par cette compagnie. « Les Maroufles sont une collaboration entre mon frère et moi, de la compagnie Sonjévéyés, Yvan des Bris de Banane et son frère, Yann, et Viviane Leroy ».

S’ils viennent tous de milieux artistiques différents, les membres des Maroufles ont pourtant tous en commun d’avoir expérimenté le milieu des fêtes médiévales, avant d’être réunis sur ce spectacle. « Avec Bris de Banane, on est vraiment dans le théâtre de rue. Avec mon frère, on avait travaillé quand on était quasi-adolescent, vers seize ou dix-sept ans, avec des compagnies havraises, qui bossaient dans le médiéval » raconte Yvan. « Nous, on était avec Le Chariot à Foin, une compagnie qui a beaucoup tourné dans les années 90 – 2000. On a joué sur les cinq ou six dernières années ». Viviane Leroy, quant à elle, écume les fêtes médiévales depuis trois décennies, en tant que comédienne et échassière dans diverses compagnies, comme Machtiern, Amarok, Les Baladins de la Vallée d’Argent… « On souhaitait travailler ensemble avec ses trois entités-là. Cela nous est venu naturellement, on s’est demandé ce qui était le plus ouvert comme milieu. C’est un univers qui est très large » explique Yvan. « Les fêtes médiévales sont populaires. Tout ce qui est artistique et populaire marche bien ! C’est joyeux, c’est un univers un peu carnavalesque. Il y a un lâcher prise qu’on n’a peut-être plus dans les festivals d’arts de rue. Populaire, c’est vraiment le mot. On peut se permettre encore beaucoup de choses » précise Florie.

C’est donc en 2011 que s’amorce le début de cette collaboration entre les trois entités de ce projet. « On a créé Les Maroufles en 2011 – 2012, dans la tradition du saltimbanque médiéval, avec jongleur, danseuse… On a tous une formation burlesque, clown. On a eu envie de prendre un contre-courant, de présenter des personnages plutôt laids, méchants, bêtes. Mais finalement, on est moins méchants qu’avant, on se calme. Cela fait dix ans que Les Maroufles existent et que cela tourne pas mal ! » raconte Florie. Si ce spectacle se joue majoritairement en fixe, les artistes l’ont également adapté dans une version déambulatoire, rendue plus facile par la construction même du spectacle, comme le précise Yvan « On a un spectacle qui dure 40 ou 50 minutes, c’est un enchainement de numéros, qui se tiennent entre eux parce qu’on a des prises de tête dans la famille. Malgré tout, cela reste des numéros ». « Cela reste très facile de le découper en extraits. Cela fait des déambulations riches, avec plein de saynètes. Les gens nous suivent et à chaque arrêt, il y a un nouveau numéro. Demain, pour le dernier passage, on sera en déambulation, on va présenter des extraits de l’ancien spectacle, qu’on appelle La Foire aux monstres ».

Pour l’équipe artistique, Les Maroufles ne pouvaient pas se limiter à ce seul spectacle. Ils voyaient dans cette curieuse famille, aussi laide que complètement loufoque, l’opportunité d’aller plus loin encore. Yvan reconnait qu’après l’avoir autant joué, il fallait inventer autre chose et Florie complète : « On avait un peu fait le tour, on avait envie de montrer qu’on n’était pas que des saltimbanques bêtes et méchants, mais qu’on peut aussi faire des images poétiques. C’était une envie d’aller un peu plus loin dans le travail, d’être plus précis, plus pointilleux, plus exigeant ». Dans cette nouvelle création, L’Improbable Quête des Maroufles, l’objectif était d’arriver à avoir une vraie narration, de raconter une histoire. En l’occurrence, cette famille quelque peu étrange, menée par une mère tyrannique, avec ses rejetons un peu bêtes, entend nous raconter une grande histoire, faite d’aventure, de moult péripéties, où un preux chevalier franchit tous les obstacles pour sauver la princesse dont il est follement amoureux. « On a gardé les mêmes personnages, leur même histoire. On a voulu garder la base familiale. Avec ces personnages qui ont tous des tares, on tente de raconter une histoire théâtrale, plus de tréteaux d’ailleurs. On se joue des cassures, des ratés. On est dans du vrai burlesque. Les gens ont l’image de notre histoire, et les coulisses, avec les personnages qui vivent entre chaque scène » explique Florie.

L’un et l’autre nous raconte que pour cette création, il a fallu compter environ trois ans de travail. « On avait sorti un premier jet en 2019, et on n’était pas convaincu. L’année du confinement nous a permis de prendre du recul, et on a enlevé plein de choses. Les accessoires prennent aussi beaucoup de temps. Cela fait  « de bric et de broc »,  et c’était l’objectif de ce spectacle. On est des gueux, des saltimbanques, bandits de chemin. C’est une troupe qui n’a pas de sous du tout, donc elle a tout fabriqué de ses mains. Il faut que le public ressente ce côté-là, que ça ne soit pas trop clinquant » raconte Florie. Et, de fait, quand on découvre le spectacle, on constate combien l’effet recherché atteint son but. Durant toute la durée du spectacle, le public découvre, souvent hilare, les multiples astuces, costumes et bruitages qui peuplent ce spectacle. Yvan excelle, dans le rôle du preux chevalier, quand il enfourche son destrier pour un tournoi épique. Tout, dans les bruitages, laisse croire à la démarche d’un véritable cheval sur lequel trônerait le guerrier. Florie, interprète de la princesse, en fait des tonnes, quand il s’agit de retrouver son chevalier et de l’aguicher à chacune de leur rencontre. Plus tard, se transformant en sirène, chantant aux oreilles du chevalier pour le faire échouer dans sa quête, elle convoque tous les rires du public. Ce spectacle est une véritable succession d’astuces bien trouvées.

Les deux artistes reconnaissent volontiers que le texte n’est pas la priorité du spectacle. « On ne vient pas spécifiquement du théâtre classique. On ne s’est pas posé pour écrire un texte. On a écrit l’histoire, la conduite, et petit à petit, en testant, en répétant, on garde les sorties les plus intéressantes. Cela se fait toujours naturellement. Ce n’est pas le texte qu’on met en avant, nous, on vient vraiment du théâtre corporel » explique Florie. Si le texte est relativement écrit, les comédiens ne s’interdisent pas pour autant quelques improvisations, au détour de ce qu’il se passe autour d’eux, comme le précise Yvan. « Si une cloche sonne, un chien aboie, un enfant pleure, on réagit. On connait suffisamment les personnages pour savoir dans quel sens ça va aller ». En revanche, l’écriture même de leur spectacle nécessite un certain cadrage. « Dans les gags, tout est extrêmement écrit. On a des rythmes précis. Comme on utilise du bruitage, il faut que les images et le bruitage soient bien ensemble. On a une structure qui est bien écrite » poursuit Florie.

Si le travail, entre eux, est toujours très collectif, chacun a pourtant des domaines de prédilection. « Certains sont très à l’aise dans l’accessoirisation, le costume. Cela se partage assez naturellement. Yvan et moi, on est plus dans la direction artistique, mais Yann, le frère d’Yvan, a vraiment un regard de metteur en scène. Cela reste collégial dans notre manière de faire les choses » raconte Florie et Yvan précise : « On n’a pas un metteur en scène, ou quelqu’un qui écrit de A à Z l’histoire. Tout le monde avait ses petites idées, on a fait des essais et il y a des choses qu’on a gardées naturellement, et d’autres qui ne rentraient pas dans notre univers. On est parti sur plein de petites choses qu’on a retissé les unes aux autres. De là, on a écrit une histoire, la plus simple possible et la plus facile à comprendre ».

De ce processus créatif découle un spectacle de quarante-cinq minutes, qui, à chacune de ses représentations lors des Médiévales de Bayeux, a connu un gros succès auprès du public. Le gradin et les chaises disposées autour de l’espace scénique à l’arrière de l’Hôtel du Doyen n’ont désempli à aucune des sessions. Tant auprès du public d’enfants que d’adultes, L’Improbable Quête des Maroufles a atteint sa cible. À travers l’histoire bien classique du preux chevalier et de la princesse en détresse, les six artistes ont déployé, avec autant d’énergie que d’habileté, les mille et uns ressorts de leur création pour s’attirer l’adhésion et les rires du public. En développant des personnages aux caractères forts, très identifiables, de la mère tyrannique au fils un peu idiot, ou à l’autre, un peu râleur, et la fille parfois un peu hystérique, les artistes s’assurent une compréhension totale de leur histoire, auprès de tous les publics, qui n’ont pas perdu une miette de cette folle quête, aussi loufoque et déjantée que savamment bien pensée ! En quittant l’espace de jeu, à l’issue du spectacle, les spectateurs semblaient unanimes, et preuve en est… certains revenaient voir le spectacle pour la troisième fois du week-end !

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