La Médiévale : du spectacle de rue de haute voltige à Brie-Comte-Robert !

Tout au long du week-end, la ville de Brie-Comte-Robert a vécu au rythme de sa traditionnelle Médiévale. Si la météo s’est parfois montrée capricieuse, elle n’a pourtant pas empêché le public d’affluer dans le centre historique pour profiter de la vaste programmation gratuite de ce rendez-vous d’octobre.

Fidèle à son habitude, la Médiévale avait concocté un éventail de spectacles, tout aussi variés qu’alléchants. Du théâtre au spectacle de feu, en passant par des déambulations et une multitude de groupes de musique, l’événement retrouvait cette année sa pleine envergure, offrant aux spectateurs curieux la  possibilité de croiser du spectacle vivant à chaque coin de rue.

Dans cette belle programmation, si étendue qu’il était impossible de tout voir, plusieurs spectacles ont retenu notre attention. Pour les amateurs de théâtre, c’est Hysteria Malefika, le spectacle des Monts Rieurs, qu’il ne fallait pas manquer. Dans ce trio de sorcières, dont l’une doit encore passer l’examen pour pouvoir exercer, le théâtre et le chant se mélangent. De manière ponctuelle, des titres réarrangés et réécrits viennent rythmer le fil de la pièce. Celle-ci cumule les références et les bons mots. Certains y verront une énième farce, d’autres y comprendront l’allusion à Picasso à l’évocation de périodes bleu et cubiste, ou des clins d’œil de ci, de là à la dernière pandémie. Les deux comédiennes et le comédien déploient un jeu qui fait des merveilles. Pour couronner le tout, l’univers même du spectacle suffit à nous mener jusqu’à lui : les costumes sont particulièrement réussis, le décor regorge de bibelots, d’accessoires, qui attirent l’œil, et les multiples astuces, du chaudron fumant à la seringue qui se remplit par magie, finissent par convaincre le public, petits et grands, de la qualité du travail des Monts Rieurs !

 

Plus loin, la compagnie Vénère Gumaine tient le pari d’amener en rue un spectacle en duo de quarante-cinq minutes, durée relativement longue dans le milieu des fêtes médiévales. Là où l’on s’attendait à voir le public aller et venir, comme il est si fréquent en rue, il n’en est pourtant rien. D’un bout à l’autre, les deux comédiens ont captivé le public avec leur spectacle Post-Apothicaire. Le double pari de ce duo est d’amener dans ces fêtes une création autour du thème de la mort, en le rendant aussi hilarant qu’habilement amené. Lady Sentry et Portefiole jouent pleinement la carte du comique de répétition, auquel les plus jeunes se raccrochent aisément. Enfants et adultes y trouveront chacun des niveaux de lecture différents, rendant ce spectacle accessible à tous. L’écriture de cette pièce est particulièrement réussie : les deux comédiens enchainent les répliques toutes plus drôles les unes que les autres, pleines de références à la culture populaire, que le public attrape au vol. Le spectacle se finit sur un rap enfiévré où les deux artistes, casquette sur le crâne et lunettes « The place to be » sur le nez, finissent de nous convaincre de la palette d’atours qu’ils ont dans leur besace, et de la réussite de cet improbable spectacle « d’art et décès » !

 

En naviguant d’un spectacle à un autre, on pouvait également rencontrer à l’improviste quelques déambulations. Tan Elleil, avec sa danseuse, son échassière, son harpiste et son nyckelharpiste ont apporté quelque chose de très doux et de voluptueux au fil des rues. À l’inverse, Les Dernières Amazones ont conjugué du feu et de puissants tambours pour attirer le public à elles. La compagnie Dog Trainer a également fait forte impression auprès du public, en débarquant dans les rues avec son cortège d’oies et son fidèle compagnon canin.

 

Musicalement, il y avait matière à plaire au plus grand nombre, tant la variété des propositions était grande. Pour satisfaire les oreilles désireuses d’entendre du son puissant, Rhesus a jonglé d’un lieu à l’autre, avec son attirail de cornemuse, chalumines, luth et percussions. Tout au long du week-end, les six artistes ont offert sans concession leur musique tonitruante, qui n’a pas manqué d’électriser le public venu se masser devant leurs différents sets. Déjà présent lors de la précédente édition, Rhesus a pu agrémenter son concert de nouveaux morceaux, suite à la sortie récente de son nouvel album, Anthektikotita. De même, Les Tritons Ripailleurs a séduit le public avec ses airs venus d’ici et d’ailleurs, régulièrement entrecoupés d’intermèdes plein d’humour de la part des membres de ce quatuor haut en couleurs et en facétie !

 

Loin des sons puissants auxquels les fêtes médiévales nous habituent, Meerrant s’est révélé une proposition artistique pleine de saveurs. La présence d’une harpe, au milieu de la rue, a suffit à interpeler. Le talent de ces quatre artistes, conjuguant en plus les flutes, le bouzouki, le bodhran et la cornemuse, a fait le reste pour nous emmener dans un voyage, contemplatif, singulier, qui laissait planer quelque chose de vaporeux au-dessus des pavés. Cet instant suspendu était aussi inattendu que particulièrement savoureux.

 

C’est avec Soñj que le voyage  s’est poursuivi, dans une atmosphère plus orientale, aux parfums épicés. Le quintet a alterné deux sets différents tout au long du week-end, invitant le public à le suivre depuis Constantinople, par-delà les routes et les frontières. Si le groupe avait fait forte impression à Provins, leur escale à Brie-Comte-Robert confirme la superbe de ces musiciens remarquables. Rien, dans leur set, n’est laissé au hasard. Leurs déplacements viennent créer des tableaux vivants, au service de l’histoire qu’ils racontent. Le récit, dont l’interprétation était encore un peu fragile à Provins, s’est étoffé, a pris de l’envergure. En fermant les yeux, le joueur de hautbois parvient à faire se dessiner dans nos têtes des paysages et un imaginaire du voyage saisissant. Musicalement, Soñj est un petit bijou, un diamant brut, dont on ne se lasse pas d’écouter et de réécouter les morceaux. Chaque instrument sonne parfaitement, le nyckelharpa et la vièle à roue se rencontrent, parfois se confondent, le hautbois et la cornemuse apportent des sonorités plus soutenues, percutantes, et le davul vient parfaire le tableau de cette combinaison formidable dont la richesse ne finit pas de nous étonner et de nous transporter. Au-delà du répertoire et du talent de ses musiciens, c’est aussi par l’énergie communicative qui émane de Soñj que le quintet séduit. À chacun de leurs sets, les sourires, les regards qu’ils s’échangent constamment entre eux tissent un lien visible, évident, qui tend à nous laisser penser qu’à l’instant précis, ces cinq musiciens sont heureux de créer cette bulle musicale autant pour la plénitude qu’elle leur apporte que pour le voyage auquel elle nous invite. L’instant partagé n’en devient que plus délicieux…

 

Enfin, l’un des moments phares de ce week-end médiéval, restera sans nul doute le spectacle Arcanes de la compagnie Zoolians. Si la réputation de cette compagnie n’est plus à faire dans l’univers des fêtes médiévales, les quatre artistes ont véritablement étonné l’ensemble du public. À ceux qui pensaient savoir l’envergure que peut prendre un spectacle de feu, les Zoolians ont montré qu’il n’en était rien, que c’était là que tout se jouait. Pendant toute la durée du spectacle, la compagnie a conjugué les agrès de feu, avec une musique en live donnant du corps à Arcanes.  Chaque tableau revêtait une beauté plastique, soit dans la solennité d’un instant plus calme où les flammes oscillaient entre les mains de la danseuse, soit dans la puissance d’un solo où les étincelles se déployaient de toutes parts. Le travail des Zoolians est d’une rare qualité, les artistes ayant pour habitude de concevoir leurs propres agrès, pour s’affranchir des choses déjà existantes. En témoigne cet incroyable ligne, semblable à un ADN, qui s’enflamme de part en part, et que les artistes font osciller jusqu’à subjuguer nos regards. Dans cette vaste programmation, Arcanes s’est révélé être un incroyable moment de poésie visuelle, de performance brillante, et d’émerveillement formidable. Tels des musiciens avec leurs instruments, les Zoolians domptent la flamme et les étincelles au service d’une partition de haute voltige, dont l’écho demeure longtemps au creux des yeux.

 

Si Brie-Comte-Robert signe pour beaucoup la fin de la saison des festivités estivales, elle a une nouvelle fois prouvé que sa Médiévale était un rendez-vous sur lequel il fallait compter. Un tel foisonnement de spectacles, à toute heure, dans toutes les rues, confère à cet événement un caractère fort. Ici, le spectacle est partout, s’offrant à tous les yeux, passionnés ou néophytes. La culture se répand sur les pavés, pour le plus grand nombre. Et quand la programmation se révèle aussi riche que très qualitative, on ne peut qu’attendre, avec une grande impatience, la prochaine édition !

 

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