Comme chaque année, une fois la mi-novembre passée, le salon Fous d’Histoire organisé par l’Association pour l’Histoire Vivante a pris ses quartiers au Tigre de Margny-les-Compiègne durant trois jours. L’occasion pour les compagnies, artisans et commerçants de promouvoir leurs activités et de les faire connaître aux professionnels comme au grand public.
Si le vendredi est principalement dédié au public scolaire, le samedi et le dimanche voient affluer un nombre conséquent de visiteurs. Parmi eux, on trouve autant de néophytes curieux, venus s’immerger dans le monde des fêtes historiques, que de vrais aficionados venus voir et revoir des compagnies déjà bien connues ou faire leur marché annuel. Pour d’autres, encore, ce salon est un point final, qui vient clore la saison estivale, notamment pour le public des fêtes médiévales, à qui le salon fait la part belle.
Si cette nouvelle édition nous a confirmé qu’une journée était bien trop courte pour avoir le temps de découvrir l’intégralité des spectacles dont les extraits sont présentés sur les différentes scènes, elle nous a en revanche permis de retrouver les figures emblématiques du spectacle de rue qui ont jalonné la programmation des fêtes toute la saison. Ainsi, Trybu de la compagnie Les Monts Rieurs a joué dans sa version Trybu & les A-Cordés sur la scène du chapiteau le samedi soir. Le dimanche, c’est dans sa version nomade que le groupe vêtu de bleu s’est produit, au fil des allées. Dans le milieu d’après-midi, dans l’une des halles du salon, la cornemuse se fait entendre au loin. Au fur et à mesure qu’ils approchent, les différents instruments se distinguent, du violon aux percussions, jusqu’à la flûte traversière. Ils s’arrêtent, prennent le temps de jouer plusieurs morceaux devant le public ayant arrêté sa déambulation pour recevoir leurs notes voyageuses. Une nouvelle fois, sur les pavés ou au milieu d’une halle pleine de mouvement, Trybu s’octroie notre attention, et nous transporte en musique…

Sur la scène intérieure, Les Aboyeurs ont une nouvelle fois fait forte impression au public présent et ont remporté un prix. Le trio déploie une énergie pleine d’enthousiasme et de générosité qui percute le spectateur de plein fouet. Kofy l’Aboyeur, dans le personnage d’Innocent Boitsanssoif, avec son tambour, harangue la foule, à la manière des crieurs publics d’autrefois. Chaque intervention fait résonner les mots, les rimes et les traits d’humour, accompagnée de la présence charismatique de son interprète. Tout au long du set, Baptiste Couget, le sonneur Vladimir, alterne entre la gaïta galicienne et la gaïda bulgare. Plus généralement, deux autres cornemuses peuvent compléter le tableau du sonneur. Le musicien donne du corps à la proposition musicale du trio. Enfin, l’Aspic, interprété par Nicolas Gauthier, apporte encore davantage de vivacité aux Aboyeurs. Toujours en mouvement, Nicolas occupe l’espace, jonglant du bâton du diable aux boites à cigare, pour finir sur le diabolo, qu’il manipule avec autant de fougue que d’adresse. Dans ce trio, chaque seconde est incarnée, dans le vif de l’instant, dans la profondeur du jeu.
Dans les compagnies que l’on retrouve après les avoir croisé au fil de la saison, les Maroufles, interviewés à Bayeux, ont marqué le public avec leur extrait de spectacle. Leur sirène, et l’ensemble de l’esthétique, des éléments de décor, leur manière bien à eux de monter toute une création aux allures de bric et de broc et l’humour qui les caractérise ont séduit le public venu les découvrir ou les redécouvrir. En musique, Rhesus s’est produit plusieurs fois sur la scène extérieure, parfois avec le Systema Siberian Cossack Paris et sur le chapiteau. Dimanche, sur la scène de celui-ci, le groupe a partagé avec le public de Compiègne sa musique pleine d’énergie brute, faisant danser quelques groupes de spectateurs aux abords de la scène. Dans les allées, les trois échassiers de la compagnie Vaporium ont fait déambuler leurs Dahutanes, pour lesquelles Fous d’Histoire les avait primés l’an dernier. La délicatesse et l’élégance de leurs costumes ont marqué les yeux et les esprits des spectateurs qui ont croisé leurs routes.
D’une année sur l’autre, Fous d’Histoire permet également de voir les évolutions des créations qui y sont présentées. Ainsi, l’an dernier, la Compagnie Karabas nous avait beaucoup interpellés avec l’extrait de son spectacle Princesses. Lors de cette nouvelle édition, les trois artistes sont venus avec des décors, une introduction du spectacle légèrement différente. Sur scène, nous avons retrouvé tout le potentiel comique de Princesses, avec ses paroles de chansons qui nous régalent, son humour délirant, et son interprétation impeccable.
Enfin, parmi les compagnies primées et les spectacles très attendus, Via Cane est venue présenter sa nouvelle création, un Roi en fin de vie, qui n’en finit plus de mourir, et qui permet aux deux concepteurs et interprètes du spectacle d’aborder avec facétie la question du pouvoir et des dérives de celui-ci. Connu et reconnu pour la qualité et le perfectionnisme de son travail, la compagnie avait déjà prouvé son incroyable créativité avec des spectacles comme Bosch et Bruegel, ou plus encore avec Santa Maria, un véritable bijou tant dans l’écriture du spectacle, dans le jeu, que dans son décor. Dans cette nouvelle création, l’un des marionnettistes joue sous le lit pour manipuler la marionnette du Roi, tandis que le second comédien alpague la foule, et fait le lien entre le Roi et le public. Dans l’écriture du spectacle, Via Cane prouve une nouvelle fois la finesse de son remarquable travail.

Et au milieu de ce Salon, encore maintes et maintes créations et compagnies à découvrir… ! Si une journée ne suffit pas pour prendre le temps de partir à la rencontre des univers de chaque compagnie, on s’émerveille pourtant tout au long de la journée ! Ainsi, au fil des stands, des petits trésors se dévoilent. La Compagnie Lutka, primée également lors de cette édition, a mis en avant ses marionnettes, un peu inquiétantes, extrêmement bien réalisées.
Fous d’Histoire, autant du côté des compagnies que de celui des artisans, est finalement l’occasion rare de partager et d’échanger avec ceux qui font vivre ces fêtes historiques, pour mieux appréhender leur travail, leur processus de création. Cet événement dévoile l’envers du décor, et offre aux acteurs de ces fêtes l’opportunité formidable de raconter leur univers, d’en faire découvrir les rouages, et au public, d’imaginer avec enthousiasme les compagnies qui peupleront les ruelles pavées l’été prochain !